Vijećnica

Emplacement

Sarajevo, Bosnie-Herzégovine

Année de construction

1896

Architectes et artistes

Pařik Karel (1857-1942), Wittek Alexandar (1852-1894), Iveković Ćiril Metod (1864-1933)

Photographies contemporaines

Histoire

À la suite de la signature en 1878 du traité de Berlin qui avait remis l’administration de la province ottomane de Bosnie-Herzégovine à l’empire austro-hongrois, les nouvelles autorités du pays décident d’édifier à Sarajevo un hôtel de ville pour répondre aux besoins de la municipalité. Si la construction est bien prévue dès les années 1880, son emplacement sur l’ancienne place Mustajpaša au cœur du Baščaršija, le noyau historique de la ville ottomane, n’est entériné qu’à la fin de 1890.

Le projet est confié à Karel Pařik, architecte tchèque, qui livre en 1891 une première esquisse. Pařik dessine un bâtiment dont le plan s’adapte à la parcelle en forme de triangle équilatéral. Il ne répond malheureusement pas totalement aux attentes du ministre des Finances de l’époque, le baron Benjamin Kallay, chargé de son approbation. Refusant d’apporter les modifications que Kallay lui demande, Pařik se retire du projet, qui est alors confié à Alexandar Wittek. Le nouvel architecte conserve la plupart des éléments du projet de Pařik, mais répond au souhait du ministre Kallay en ajoutant un étage au bâtiment pour conforter sa monumentalité et signifier ainsi l’importance de l’hôtel de ville. C’est donc à Wittek, qui avait voyagé en Égypte, que l’on attribue principalement le programme décoratif orientaliste du bâtiment. Tous les dessins d’exécution des façades et des décors, datés de 1894 et 1895, sont pourtant signés par un autre architecte, Ćiril Iveković. En effet, Wittek décède avant l’achèvement de la construction. Le chantier est alors repris par Iveković qui aurait apporté des changements minimes à la disposition du bâtiment et au dessin de sa façade. L’hôtel de ville prend alors sa forme définitive et devient l’exemple le plus représentatif du style orientaliste de Bosnie-Herzégovine. Ces deux derniers architectes sont par ailleurs les auteurs de l’hôtel de ville de Brčko construit entre 1890 et 1892 dans un même style.

Solennellement inauguré le 20 avril 1896, le bâtiment de plan triangulaire, couvert d’un dôme central, comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée avec mezzanine et deux étages. Ses trois angles sont ornés de tours prismatiques, les parties centrales des trois façades forment des avant-corps. Celui de la façade principale, au sud, présente la plus forte saillie ainsi qu’un imposant couronnement avec frises et merlons. Il abrite un grand porche à cinq arches, auquel on accède par un perron, surmonté à l’étage par une loggia.

Le hall central est couvert d’une coupole vitrée sous laquelle est disposé un vitrail à décor en réseau de polygones étoilés qui semble repris d’un des catalogues d’ornements dits « arabes » circulant alors, comme celui publié par l’architecte allemand Friedrich Maximilian Hessemer en 1842. Un escalier, accessible depuis cette salle, conduit à la galerie de la mezzanine portée par une colonnade avec chapiteaux et arcs outrepassés décorés. Le palier de l’escalier est éclairé à travers un autre vitrail multicolore, aux couleurs vives, dont les motifs géométriques se déploient sur toute la surface de la baie géminée et de la rose qui la surmonte.

Les éléments sculptés ou moulés des façades et des intérieurs, tout comme les décorations murales, sont exécutés dans un esprit néo-mauresque qui représente l’aboutissement de ce style en Bosnie-Herzégovine. Ils combinent des éléments décoratifs issus à la fois des monuments des époques fatimide et mamelouke du Caire : une façade bichrome, simulant un appareil en ablaq qui cite la mosquée Qaytbay, des niches à arc persan et tympan à motifs radiants tirés des monuments fatimides, une colonnade à arcs outrepassés inspirée des galeries ouvertes des grandes habitations mameloukes, de grandes colonnes engagées à cannelures brisées, comme dans la mosquée mamelouke Sultan Hasan ou encore des rangées d’œils-de-bœuf encadrés de cabochons et de moulures à boucles que l’on retrouve sur les façades des madrasas tardo-ottomanes. La décoration intérieure est pour sa part traitée dans le goût alhambresque, avec notamment un large emploi des arcs outrepassés polylobés et des décors de transenne.

Au cours de son histoire, l’hôtel de ville a changé plusieurs fois de fonction. En 1910, il abrite le nouveau parlement créé à la suite de l’annexion officielle en 1908 de la province à l’Empire. Le 28 juin 1914, François-Ferdinand, archiduc héritier d’Autriche-Hongrie en visite officielle, y est reçu avec sa femme peu avant d’être assassinés par Gavrilo Princip un étudiant serbe membre du mouvement révolutionnaire Jeune Bosnie.

L’usage strictement administratif d’origine a ensuite été remplacé par des fonctions culturelle, scientifique et artistique qui répondaient aux aspirations de la Bosnie-Herzégovine. Depuis 1951, date de l’installation de la Bibliothèque nationale et universitaire en son sein, et jusqu’à aujourd’hui, le mot « Vijećnica », est devenu un synonyme de la culture et de l’esprit du pays.

En août 1992, lors du siège de Sarajevo, le bâtiment a été incendié et partiellement détruit.

Sa reconstruction à l’identique a été lancée en 1996. En mai 2014, après 18 ans de travaux, il a rouvert ses portes et est devenu l’un des lieux les plus symboliques de Sarajevo.

Carte

Regards artistiques

Avec son film Vijećnica, Nicolas Callaway propose un court-métrage d’animation conçu avec des tampons en caoutchouc qui reproduisent les motifs géométriques du décor. Les éléments s’animent en construction, déconstruction et grand chamboule-tout à l’image de l’histoire tourmentée de ce bâtiment emblématique.

Conception

Nicholas Callaway

Licence

CC-BY

Paroles de gens

À propos de ces films

Des architectes, des voisins, une poétesse nous racontent la construction, l’incendie et la restauration de l’hôtel de ville, ainsi que la place qu’il occupe dans leur travail et dans leur imaginaire.

Réalisation et montage

Diogo Pereira et Sanja Vrzić

Documentation

Adisa Džino Šuta, Ivana Roso et Farah Račić

Licence

CC-BY-NC-ND

Thèmes associés

Activités pédagogiques