Mosquée Sidi Soufi

Emplacement

Béjaïa, Algérie

Année de construction

1902

Architectes et artistes

Bonnell Pierre (1850-1924)

Photographies contemporaines

Histoire

La mosquée de Sidi Soufi est probablement la plus célèbre de la ville de Bejaïa. Pourtant, son histoire est encore difficile à retracer.

D’après la chronique d’al-Warthilani, un voyageur bougiote de retour au pays qui a visité sa tombe au milieu du XVIIIe siècle, Sidi Soufi faisait partie des personnalités de premier plan à Bejaïa. À sa mort, il est possible qu’un monument ait été érigé à l’emplacement de sa sépulture, pour en honorer la dépouille et accueillir les visiteurs venus s’y recueillir. Une autre hypothèse serait qu’un édifice, fondé à une date inconnue, ait été le lieu privilégié des dévotions de ce mystique, et aurait donc gardé son nom en souvenir de sa fréquentation. Quoiqu’il en soit, en 1833, quand un premier plan de la ville est établi par l’état-major français, une mosquée Sidi Safi (ou Sidi Souffour) est indiquée dans le secteur de la mosquée actuelle, entre la porte Fouka et la place alors nommée Louis-Philippe. De dimensions modestes, la mosquée sert également de lieu d’enseignement coranique avant qu’un espace dédié à l’enseignement ne soit aménagé en 1850 dans un édifice attenant, le lieu accueillant la classe étant alors jugé trop dégradé. La date de lancement du projet de construction d’une nouvelle mosquée n’est pas connue. En 1852, le plan d’alignement de la ville prévoit un nouvel emplacement pour un grand bâtiment regroupant « une mosquée, des écoles musulmanes et le logement de l’Iman », ouvert sur une vaste « place d’Armes ». Il reste sans suite. En 1900, la vieille mosquée demeure l’une des seules encore en usage dans la ville mais est jugée trop petite pour réunir les fidèles. Aucune source conservée ne semble documenter les travaux du nouvel édifice, mais l’on sait toutefois que la mosquée Sidi Soufi que l’on peut voir aujourd’hui, légèrement déportée au sud par rapport à l’édifice originel, est inaugurée le 23 mai 1902. Le nom de son concepteur n’est pas indiqué par les sources. Il pourrait s’agir de l’architecte Pierre Bonnell, nommé en 1901 surveillant des travaux diocésains de Constantine, et qui, dès 1889, travaillait à l’élaboration du projet de boulevard du front de mer de Bejaïa.
D’un point de vue architectural, la mosquée présente aujourd’hui un plan basilical compact à trois nefs et six travées. Les nefs sont orientées perpendiculairement au mur de qibla où est aménagé le mihrab. L’accès à la salle de prière se faisant depuis la place (anciennement place Louis-Philippe et actuellement place Sidi Soufi) située aussi à l’est, le qibla se présente ainsi bizarrement du côté du porche d’entrée. Le plan actuel est le résultat de travaux d’extension réalisés dans les années 1930 (souscription publique en 1933 et inauguration en 1939). À l’origine, la salle de prière était de plan carré avec trois nefs et trois travées ; la travée centrale de la nef centrale étant coiffée d’un dôme polygonal (toujours en place). L’absence de cour est assez courante dans les mosquées d’époque coloniale mais la composition de la façade évoque plus celle des églises contemporaines, avec un clocher-porche en façade, citation classique au XIXe siècle des clochers-porches d’époque romane.

Plus qu’à son architecture, l’originalité de la mosquée tient surtout au décor qui orne son porche, et que l’on doit au céramiste Ernest Soupireau . L’ouverture adopte un tracé en arc brisé outrepassé dont l’intrados est finement découpé pour dessiner un profil polylobé retombant sur de fines colonnettes à chapiteau. Elle s’inscrit dans un large panneau de carreaux de céramique polychrome où se déploie un décor de rinceaux spiralés à palmettes et fleurons. Sur ce fond végétal, une large inscription de style naskhî donne la basmallah. Le sommet des murs d’enceinte est crénelé de merlons ornés de palmettes, surmontant une frise sculptée de muqarnas. Sur le minaret lui-même, les trois registres de baies sont encadrés de panneaux de céramiques à composition géométrique ou végétale.

Par son décor et ses formes architecturales, l’édifice témoigne d’un orientalisme débridé, mêlant les références à l’architecture alhambresque avec l’arc festonné d’entrée, la frise de merlons et les muqarnas sculptées, les références à l’architecture des grands empires berbères avec le minaret quadrangulaire à lanternon, et à celles bien plus lointaines provenant de la Turquie ottomane. En effet, le grand panneau végétal de l’entrée reprend le décor sculpté qui orne l’entrée de la grande-mosquée de Bursa, dite Mosquée Verte, érigée sur ordre du sultan Mehmet Çelebi entre 1419 et 1424. Cette mosquée était devenue célèbre en France grâce à la copie qu’en avait faite Léon Parvillée au Trocadéro pour l’Exposition universelle de 1867, puis à la publication de son décor dans un ouvrage largement illustré de planches en couleurs en 1874 . On peut s’étonner de cette référence orientale en Algérie, mais Ernest Soupireau en était coutumier et l’on retrouve des références au décor de cette mosquée ottomane dans plusieurs de ses réalisations pour des particuliers. Il réalisa également une copie du décor en céramique de cette même mosquée pour l’Exposition de la Médersa à Alger en 1907, présentée ensuite à l’Exposition coloniale franco-britannique de 1908 à Londres où il a rencontré un grand succès critique.

La mosquée est immédiatement bien accueillie et en 1905, le journal L’Écho de Bougie rapporte que, lors de sa visite dans la ville, Charles Jonnart, le gouverneur général de l’Algérie, « contempla longuement ce gracieux et étrange monument où tous les styles des pays d’Islam ont été inconsciemment mariés ».

D’un point de vue urbanistique, les vues contemporaines montrent d’abord un édifice isolé dominant une esplanade en terre battue et en pente qui se termine à l’ouest sur une petite halle de marché ouverte. À la même période, une « école indigène » réservée aux garçons (actuel CEM El-Hadi Zerrouki) est édifiée sur le terrain qui surplombe l’esplanade au nord .
Entre les deux guerres mondiales, plusieurs bâtiments publics sont édifiés, toujours en style néo-mauresque, sur le pourtour de l’esplanade aplanie et dans ses abords avec en 1928, un projet de construction de souks sur la rive sud de la place (agrandis dans les années 1950) et en 1937, un projet de bains publics (inaugurés en 1939) le long de la rue qui conduit à Bab Fouka. Cet ensemble urbain est aujourd’hui un des fleurons du patrimoine de Béjaïa.

Carte

Paroles de gens

Transcription en français

Transcription en anglais

Transcription en espagnol

À propos de ce son

La mosquée Sidi Soufi, très appréciée des habitants du quartier, qui goûtent aussi l’ambiance tranquille de la placette qui la précède, est à leurs yeux un des joyaux du style néo-mauresque local.

Entretiens et écriture

Sami Boufassa, Juliette Hueber, Claudine Piaton, Hamid Rahiche, Bulle Tuil Leonetti

Montage

Éléonore Clovis

Mixage son

Alban Lejeune, It Sounds Good

Licence

CC-BY-NC

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