Synagogue

Emplacement

Châlons-en-Champagne, France

Année de construction

1875

Architectes et artistes

Vagny Alexis (1821-1888)

Photographies contemporaines

Histoire

Suite à la guerre franco-allemande de 1870 et à la perte, par la France, de l’Alsace et d’une grande partie de la Lorraine, de nombreuses familles juives viennent s’installer à Châlons-en-Champagne (anciennement Châlons-sur-Marne) ce qui suscite rapidement le besoin d’un nouveau lieu de culte pour la communauté locale, jusque-là très réduite.

Le projet repose sur une subvention de la ville et de l’État ainsi que sur une souscription des fidèles. Il est confié à l’architecte Alexis Vagny, architecte de la ville de 1844 à 1879, et membre de la Commission des bâtiments civils du département de la Marne depuis 1861.

L’architecture religieuse, et plus particulièrement, l’architecture des synagogues, est alors l’objet de réflexions importantes : quelles formes choisir pour traduire la solennité et la sobriété exigées par le culte juif ? Parmi les styles historicistes alors en vigueur, doit-on s’appuyer sur le style dit néo-gothique, inspiré de l’architecture médiévale, alors très en vogue pour l’architecture religieuse en général ? Au contraire, doit-on rattacher formellement ces bâtiments à l’Orient d’où proviendraient les premiers Hébreux ?

C’est ce parti qui est adopté à Châlons-en-Champagne. Pour bâtir la synagogue, Alexis Vagny choisit de puiser dans le répertoire formel d’un Orient rêvé et composite, mêlant les références à l’architecture islamique alors dite mauresque d’Andalousie et du Maghreb, à l’architecture byzantine.

Le projet initial, légèrement modifié pour répondre aux exigences du Comité des édifices religieux, est approuvé en 1874 par le Conseil municipal qui décrit ainsi son architecture : « Le style du genre alhambra dans lequel il devra être construit et dont le cachet oriental répond parfaitement aux exigences de la chose, le choix en est heureux, il fait honneur à l’auteur ; la couleur bicolor qui lui sera donnée permettra de ne point le confondre avec les monuments destinés à l’usage des différents cultes ». L’édifice est inauguré de 24 septembre de l’année suivante, mais semble-t-il sans recours à une façade bichrome.

La synagogue présente un plan basilical à une seule nef et à abside pentagonale. Elle s’élève sur deux niveaux, avec une galerie destinée à accueillir les femmes à l’étage. Les murs sont percés de deux niveaux de baies en plein cintre, dont l’huisserie dessine vers l’extérieur un arc en fer à cheval. L’abside accueillant la bimah (estrade de lecture) ouvre sur la nef par un large arc outrepassé sur colonnes engagées à chapiteau. L’arc présente un appareil décentré : ses claveaux taillés en godrons forment un diadème monumental. Cette disposition reprend celle de certains arcs de l’Alhambra de Grenade dont les godrons concaves accueillent un décor stuqué. La niche du tabernacle est aménagée dans le mur du fond de l’abside qui reçoit le plus important décor de l’édifice. Elle est surmontée d’un claustra en bois au motif rayonnant, en-dessous d’une large rose pourvue d’un vitrail.

L’accès à la synagogue de Châlons-en-Champagne se fait par la façade monumentale située au sud-ouest sur la rue. Son organisation est tripartite : au premier niveau se trouve la porte en arc outrepassé retombant sur deux fines colonnettes à chapiteau, encadrée par deux baies en arc outrepassé également. Au deuxième niveau, devant la verrière éclairant la nef, se déploie une triple arcature polylobée encadrée de deux baies reprenant le même tracé. Enfin, au dernier niveau prennent place une baie géminée en arc outrepassé, encadrées par deux oculi ornés d’une étoile de David. La façade, sommée d’une sculpture en forme des tables de la loi, est couronnée de merlons aux profils variés.

Si le plan basilical sobre renvoie naturellement à l’architecture des premières églises chrétiennes et byzantines, le décor qui se déploie tant sur l’entrée que sur le mur du fond de l’abside évoque nettement l’architecture islamique d’Espagne : la porte reprend presque à l’identique l’organisation et le décor d’une niche en marbre provenant vraisemblablement du bain de Madinat al-Zahra (Cordoue, Xe siècle) et daté par son inscription de 961, déposé à une date inconnue dans la cathédrale de Tarragone (conservé aujourd’hui au Musée diocésain de la ville) ; cette niche était connue des architectes grâce à la l’ouvrage largement illustré de Philibert-Joseph Girault de Prangey, Essai sur l’architecture des arabes et des mores en Espagne, en Sicile et en Barbarie (Paris, 1841). À l’intérieur, le décor sculpté ou la taille des chapiteaux évoquent les décors de l’Alhambra rendus célèbres par ce même Girault de Prangey, ainsi que par l’anglais Owen Jones dont l’ouvrage, Grammaire de l’Ornement paru à Londres en 1856, faisait partie des ouvrages de référence pour les architectes inspirés par les formes et décors découverts en al-Andalus, l’Espagne et le Portugal à l’époque des royaumes arabo-berbères.

À sa construction la synagogue présentait un décor intérieur de peintures réalisées par Pierre-Paul Simon et de vitraux crées par les maîtres verriers Marquant-Vogel et Lusson qui complétait la tonalité orientaliste de l’ensemble. Cependant, l’ensemble a été entièrement détruit durant la Seconde Guerre mondiale.

En 1890, l’architecte Edmond Fauvet s’est fortement inspiré de cet édifice pour construire la synagogue de La Ferté-sous-Jouarre témoignant de sa fortune critique.

Carte

Paroles de gens

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