Emplacement
Oran, Algérie
Année de construction
Fin XVIIIe-XIXe siècles
Architectes et artistes
Combarel Edmond (1817-1869)
Histoire
Le palais du bey est l’un des rares monuments de l’époque ottomane conservés à Oran. Son apparence et son histoire complexe témoignent de la vie mouvementée de la ville successivement occupée par les Espagnols et les Ottomans, avant la prise d’Oran par les Français en 1831.
Il est situé dans l’enceinte de la forteresse de Rosalcazar édifiée après 1509 par les Espagnols. Entre 1792 et 1831, lorsque les Ottomans occupent la ville, la forteresse devient le lieu de résidence du bey Mohammed el-Kebir (Muḥammad b. ʿUṯmān Bey ) puis de ses successeurs qui y construisent plusieurs bâtiments. En 1831, le commandement militaire français, qui considère la forteresse (renommée Château neuf) comme l’endroit le plus sûr de la ville, établit son quartier général dans le palais
.
Celui-ci se dresse sur la terrasse sommitale de la forteresse espagnole entre les bastions 9 et 10 et la porte monumentale dont l’inscription du fronton commémore l’achèvement en 1758.
La vaste résidence est divisée en deux ensembles : les bureaux et logements des officiers du Génie (constructions détruites après l’indépendance de l’Algérie en 1962) et l’hôtel de la Division. Ce dernier occupe le bastion 10
et comprend cinq corps de bâtiments, dont quatre sont conservés et forment le palais du bey.
On entre aujourd’hui dans le palais en passant sous un porche qui s’ouvre sur une grande cour permettant d’accéder à deux corps de bâtiment : à l’est, un bâtiment d’un étage à patio et galerie prolongé par l’ancien hammam du palais ; au sud, un long corps de bâtiment précédé d’un péristyle à deux files de colonnes et arcs outrepassés. Cette partie de l’édifice, représentée en 1831 par le peintre militaire Alexandre Genêt, a été restaurée à partir de 1855 : les colonnes sont remplacées par de simples fûts et les chapiteaux aux profils variés ramenés à une simple tabulation. La faïence murale au décor vraisemblablement déjà géométrique est remplacée par des lambris au décor festonné blanc et bleu
. À la même période, le grand salon d’apparat, à l’arrière du péristyle, fait aussi l’objet de travaux visant à « refaire toute la décoration […] afin de donner à tout cet ensemble le style mauresque du reste de la construction ». Le projet qui prévoyait notamment un important décor de plâtre moulé
en partie haute des murs est toutefois simplifié. Sont conservées les deux nefs séparées par une file de colonnes de marbre à fût torsadé
supportant des chapiteaux à volutes d’importation italienne, reprenant le profil des supports utilisés dans la plupart des grandes demeures et palais tardo-ottomans de la Régence d’Alger, comme dans le célèbre palais du Bey de Constantine.
Les grandes fenêtres du côté du péristyle sont dessinées et surmontées d’un arc évasé en accolade, parfois dit arc algérien, garni de vitres en forme de pétales. À ce stade de l’étude, on ne peut déterminer si les faïences murales polychromes à décor végétal, caractéristiques de la production de Valence, datent de la période ottomane ou bien sont des ajouts.
En 1865, à l’occasion de la venue de l’empereur Napoléon III (1808-1873) à Oran, le décor est complété en partie haute et au plafond par des fresques reprenant l’organisation et les motifs des corans enluminés alors présentés au public grâce aux publications de Owen Jones. Les inscriptions au plafond en graphie thuluth sont des vers d’une poésie composée par Muṣtafā b. ʿAbd Allāh Bin Daḥḥū, lui-même auteur de Fatḥ Waḥrān (La Conquête d’Oran), pour décorer un bâtiment construit à Oran par Muḥammad b. ʿUṯmān Bey en 1207 h. /1792-1793. Sur la corniche en bois peint qui surmonte les panneaux de faïence, elles reprennent la tradition du panégyrique arabe pour proclamer la gloire du souverain français ainsi que celles du gouverneur Randon et du général Montauban. L’ensemble aurait pu être conçu par l’orientaliste Edmond Combarel, qui avait aussi suivi des cours à l’école des Beaux-Arts.
Entre les deux bâtiments principaux, un passage conduit à un petit jardin qui précède un pavillon niché sur la pointe du bastion. Nommée aujourd’hui « pavillon de la favorite » (fumoir à l’époque française), la construction présente un riche décor intérieur. En partie basse, des lambris peints imitent un décor de faïences polychromes formant un réseau géométrique, et les parties hautes et ouvertures – portes et fenêtres – sont ornées de panneaux de plâtre moulé au tracé polylobé ou en accolade rempli de motifs de frises végétales, de palmettes et de pommes de pin. Ces plâtres citent les décors sculptés de l’Alhambra dont ils sont d’ailleurs probablement des moulages. À l’extérieur, le pavillon est bordé d’une galerie en fer datée en 1851
depuis laquelle le visiteur peut contempler le panorama de la vieille ville dominée par le mont Murdjadjo.
En 1913, l’architecte des monuments historiques de l’Algérie, Albert Ballu, propose de classer une partie du site ; proposition destinée à contrer les projets municipaux des années 1910, qui visent à raser la forteresse alors considérée comme brisant la perspective. Aucun de ces projets n’est réalisé.
Au début des années 1980, la terrasse est en partie débarrassée de ses constructions ottomanes et françaises pour faire place à un grand hôtel de 18 étages, resté inachevé.
La partie conservée de l’ancien palais accueille les bureaux de l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (OGEBC). De récents sondages archéologiques ont mis au jour des éléments des décors antérieurs des sols, murs et plafonds, datés de l’époque ottomane. Très fragmentaires, ils peuvent difficilement être restitués sur l’ensemble de l’édifice et ne permettent donc pas d’éclairer précisément l’histoire de sa construction.
Regards artistiques
Des archéologues et des architectes tentent, à partir de traces des décors anciens, des plans des archives espagnoles et des dessins du tout début de l’occupation française, de retrouver l’aspect originel du palais du bey avant qu’il ne soit « orientalisé » par les militaires français à partir des années 1860, dans le goût néo-mauresque.
Direction scientifique
Claudine Piaton
Restitution 3D et réalisation
Archéovision production
Prises de vues in situ
Kouider Metair, Insaf Sersar, Hichem Mechiche, Houari El Kébir
Paroles de gens
À propos de ce son
Des jeunes oranais, en visite au palais, nous font part de leurs impressions devant des inscriptions en arabe du grand salon à la gloire de Napoléon III.
Entretiens et écriture
Kouider Metaïr, Claudine Piaton
Montage
Éléonore Clovis
Licence
CC-BY-NC-SA
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